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À la ligne.

C’est le livre que je viens de fermer. Il est si réel, il me laisse si vivant. Alors tout de suite je me renseigne sur la part de vérité de ce roman. Tout est vrai.
À la ligne.
Couverture À la ligne, Joseph Ponthus

C’est le livre que je viens de fermer.

Il est si réel, il me laisse si vivant. Alors tout de suite je me renseigne sur la part de vérité de ce roman. Tout est vrai. La fiction de l’auteur, Joseph Ponthus, est autobiographique. La dureté de ses mots et de son quotidien est si puissante qu’elle l’a emporté loin des siens, à l’âge de 42 ans. Un cancer comme reconnaissance de sa plume, la mort comme lumière au bout de son tunnel. La parution de ses écrits bouleverse son quotidien d’intérimaire, son talent le surprend lui même, mais il n’aura pas le temps de nous le partager davantage. Triste réalité de l’usine, qui vous emporte quand vous pouvez enfin respirer. Mon père non plus n’a pas eu le temps d’en parler au passé.

C’est aussi évidemment pour cette raison que cet ouvrage me bouleverse, la ressemblance me frappe.

Joseph Ponthus me fait entrer de l’autre côté d’un sas que mon père n’a jamais ouvert, qu’il a toujours voulu garder scellé, celui de l’inhumanité que la cadence des chaines de production impose. Tout le monde le sait, peu de monde le connaît. L’imagination n’a pas le niveau. Nous sommes consommateurs, demandeurs, à l’origine de cette violence. Sans nous, pas d’abattage, pas d’abattoir, pas de sur-pêche, pas de survie. L’ironie, c’est ce magasin d’usine dont l’auteur parle avec reconnaissance, le fruit du travail à prix réduit, la dépendance à une boucle infernale et infinie. L’usine qui permet de vivre, tue. Animaux et humains, condamnés à suivre la chaine et à mourir à la chaine.

On propose des Erasmus pour découvrir le monde, des services civiques pour découvrir la civilisation.

On imposait des services militaires, on pourrait imposer un passage à l’usine. Comprendre ce que nous consommons : le Service Électrochoc. On ferait moins les malins ensuite au rayon charcuterie sous vide, entre autres. Car je ne suis pas sûr qu’il y aura beaucoup d’autres plumes à laisser des traces comme celle de Joseph Ponthus. Déjà faut-il avoir la force d’écrire après une nuit que la plupart d’entre nous ne passerions même pas. Alors soyons décents, ayons la décence d’arrêter la cadence. Au moins, réduisons la, au moins, laissons la possibilité à ceux qui la subissent de pouvoir siffloter, chanter, rire. Permettons au point final de Joseph Ponthus, de mon père et d’autres, de laisser à leurs camarades la chance de vivre, de passer à la ligne.