À la quête du Graal.

La flamme olympique est efficace.
À peine arrivée à Marseille, elle a réchauffé la Bretagne, je peux sortir sans cheveux et sans bonnet sans m'enrhumer. L'appartement a en revanche été épargné par la vague de chaleur, il va falloir attendre le passage de la flamme à Rennes pour espérer enlever les gants, sauf que c'est prévu le jour de notre départ. S'il y avait une discipline "courir à contre-sens" aux JO, j'aurais toutes mes chances, j'ai de la bouteille quand il s'agit de faire les choses à contre-courant et en apnée. Pour l'instant, le chronomètre est lancé et dans deux semaines nous allons donc croiser les relayeurs, eux direction les Antilles et nous direction Paris, que tout le monde fuit.
On laisse tout sur place, on repart les mains vides.
Pour la énième fois, parce que quand on aime, on ne compte pas. On vient de mettre notre vie éphémère sur leboncoin, déjà prêt à tout brader. Il y a des bons plans, avec nous tout est comme neuf et tout doit disparaître, l'essentiel n'est pas à vendre, n'est ce pas ? Les souvenirs prennent peu de place dans la Golf trois portes, mais certains s'égratignent en revanche aux quatre coins de ma tête. Car, contrairement à ce que chante Manset, il y a des souvenirs qu'il ne vaut mieux pas revivre. Par exemple, ceux mystiques d'une jeune collégien d'une forêt de Brocéliande humide, cachée sous un brouillard mirage dans lequel apparaisse les légendes du Graal, d'Excalibur et de jeunesse éternelle. Mercredi, sous le soleil et sous le tourisme, des pierres polies au chiffon, des rivages aménagés, un chêne au Guillotin sur béquilles. Arthur et sa clique se sont fait la malle, et j'ai perdu en moi le gamin de dix ans jadis ensorcelé par Viviane.
Pas sûr de retrouver ni Arthur sur la Côte d'Azur ni Merlin à Menton.
Nous attendent certainement moins de légendes millénaires mais plus de vieux milliardaires, et de nouveaux souvenirs à construire entre les vieux murs des villages de Provence. Il faudra trouver le bon coin, celui qui a tout à offrir et qui acceptera que nous n'ayons rien à vendre. On est là pour troquer, vieux chêne contre jeune citronnier, jeunesse éternelle contre retraite anticipée, potion magique contre rosé sec, épée de chevalier contre boule de pétanque. Le Graal est peut-être planqué là lui aussi, tranquillement assis sur une Chaise Bleue, lui à se demander si une nouvelle vie ne l'attendrait pas sur d'autres rivages dévastés de la Méditerranée, où on saurait le voir. À chacun sa quête, dans quelques semaines nous compterons les médailles, l'or n'est heureusement pas que sur l'Arbre du Val sans Retour.