Avec ou sans crème.

“Il n’y a pas de crème dans les carbos ? Pourtant le cuistot du restoroute près de Limoges a des origines italiennes et il fait des Carbonara avec crème et champignons.”
C’est le genre de réactions que j’attendais dimanche, pour pouvoir partager la recette des vraies Carbonara dans ce billet. Mais on m’a demandé “c’est quoi ces mauvais choix dont tu ne parles pas ?”. Ça aussi, c’est toute une recette faut dire, et elle a beaucoup de variantes. Les mauvais choix au menu de la semaine dernière n'étaient pas d’avoir mis de la crème dans mes pâtes. C’était peut-être un peu de ne pas avoir mis de crème dans mon cou quand l’été s’est pointé deux jours en Bretagne et que j’ai décidé d’apprendre à jardiner. J’ai donc un chewing-gum qui continue de coller sur le cul et une peau qui pèle sur la tête. Mais il y a pire.
Le mauvais choix c’est certainement de m’obstiner à perdre mon temps, mon énergie et ma bonne humeur à vouloir changer des choses qu’il ne m’appartient pas de changer.
D’avoir mis deux fois les deux pieds dans le même et mauvais plat, en sachant parfaitement que je n’allais pas aimer, avec ou sans crème. Un chemin de nids de poule dans lesquels j’allais devoir marcher sur des œufs (au moins autant que dans la recette des vraies Carbonara) en sachant pertinemment que j’allais les écraser au fur et à mesure que j’allais avancer, trop vite, en gueulant sur tout le monde derrière. Ainsi je critique souvent ceux qui veulent le retour de Sarkozy mais je fais la même chose. Je choisis de prendre le même job que j’ai quitté en claquant la porte il y a quelques années déjà, en pensant que tout serait différent, que le temps laverait les péchés, sans confession. Alors je me plains, de mon job, de mon choix, de mes plaintes. Je suis déjà au bout du chemin, ça aura été rapide, je connaissais la route faut dire. Pourtant, j’ai pris le temps de me retourner pour tirer à bout portant sur les œufs déjà écrasés. Sorry eggies.
Et je ne m'arrête plus.
Je continue à le faire à boulet rouge sur tout ce qui bouge encore dans ce jeu vidéo de mauvais goût. Et je ne sais pas ce que j’attends. De ne plus avoir de munition ou plus de vies, de finir le jeu en tuant le grand monstre ou sur un game over. Même joueur joue encore. Je m’acharne sur la manette à m’en donner des cloques, je me fais mal pour me pousser à appuyer sur Pause. Pour retourner jardiner entre deux averses. J’aurais aimé qu’il y ait encore papa pour dire “va jouer un peu dehors”, car l’odeur du purin remet vraiment les idées en place.
Alors c’est quoi la recette du mauvais choix ?
C’est simplement de faire quelque chose pour la mauvaise raison. De se persuader que les choses peuvent changer. De regarder derrière quand on a pas de visibilité devant. De ne pas avoir le courage d’improviser. De ne pas mettre de crème quand on devrait et d’en mettre quand on ne devrait pas. Parfois il ne faut suivre aucun livre, il faut laisser faire l’instinct. On ne peut pas tous avoir une étoile, mais on peut avoir de la chance. La recette du mauvais choix, c’est la seule recette que j’invite à rater.