Boule noire.

Jay a une douleur au fond de l'estomac qui le paralyse.
Elle bloque tout. La fluidité de ses mouvements, la liberté de ses pensées. Elle est née d'une décision prise il y a quelques années. Une décision qui était alors limpide, évidente, enivrante. Il y a mis son coeur, son corps, entièrement. Gaiement. Pendant des dizaines de mois, des centaines de semaines, des milliers de jours. Convaincu. Mais la boule d'excitation s'est transformée en une boule d'angoisse. Elle couperait presque sa respiration parfois. Vaincu. Sa meilleure décision est devenue la pire. Ça vous est déjà arrivé ? De sauter les deux pieds en avant et avec le sourire dans une grosse erreur ? Jay se dit qu'il ne peut pas être le seul à se planter en beauté.
Il s'en veut lorsqu'il m'en fait l'aveu.
Mais "faute avouée, faute à moitié pardonnée", lui répondais-je. C'est ainsi qu'il a mis un pied hors de sa tombe. Libérer le reste, lourd du poids de l'échec, ce sera le fruit d'une autre décision. Il traine pour l'instant son boulet, mais il avance. Il s'en pare comme un atout, une richesse qui lui sied. L'énergie qu'il met à se défaire de son choix est aussi intense que celle qu'il a mise à le faire. Une fierté reste une fierté. Mais en parler au passé la rendra encore plus belle. Je pourrais la nommer qu'une fois derrière lui. Ici je lui donne simplement la force d'y arriver.
Se lancer dans l'inconnu, c'est une belle aventure.
"Mais c'est surtout une belle connerie", me répète-t-il. Ne rien connaître, c'est ne pas pouvoir utiliser ses forces pour avancer. Le classique du super héros soudain vulnérable sans ses pouvoirs. À la merci de ceux qui essaient de mieux s'en sortir. Il est rare d'avoir le temps d'apprendre, nos premiers pas sont loin derrière. Alors il vaut mieux courir vite vers la sortie. Ne pas prendre le temps de réfléchir, au risque de se perdre. Quand le soleil éblouira une fois dehors, on aura tout de temps de sortir les lunettes et de laisser notre corps fatigué reprendre sa dose de vitamine D. De retrouver ses marques, des visages familiers. De reprendre un chemin tracé mais rassurant. De marcher calmement pour faire rouler loin de soi la boule qui bloquait l'horizon.