Dov'è il sole?

Il pleut comme vache qui pisse.
Beaucoup plus, en réalité, car je n'ai jamais vu une vache pisser et là, la pluie, c'est difficile de passer au travers. Et même si, en Bretagne, il ne pleut que sur les cons, il faut admettre qu'il y en a de plus en plus, difficile donc d'échapper ne serait-ce qu'aux éclaboussures. En ce qui me concerne, je dois reconnaître que je suis tout de même bien arrosé, il est important d'en tirer les conclusions. Je ne connais pas le dicton dans le Nord en revanche, mais je n'imagine tout de même pas suffisamment de connerie pour mériter l'Atlantide.
Je veux du soleil.
Idéalement sans Danao en petite bouteille, je suis intolérant au lactose. J'écoute Au P'tit Bonheur et ça en devient obsessionnel, je fais des rêves de terrasse, de couleurs, de pins ("réellement"). Au réveil, toujours momifié sous la couette, je me réchauffe en apprenant la langue de la dolce vita, plus ensoleillée que la langue de Goethe, il n'y a pas de débat. Ce vendredi matin, alors que la pluie frappe sur le volet dans un bruit de grêle, j'ai tout bon à deux traductions : Le soleil est le roi du ciel (Il sole è il re del cielo), même si ce n'est pas le cas ici, et Où est le soleil ? (Dov'è il sole?). Je n'ai pas la réponse à cette dernière, mais je sais traduire Il n'est pas ici (Non è qui).
Il est attendu à l'Est.
C'est bien là-bas qu'il se lève, n'est-ce pas ? Je suis à nouveau plongé dans une fiction de Damasio et je me mets parfois à douter. Ce 1er Mars, à l'Est de l'Europe, partout en Bulgarie, on guette en tout cas son arrivée, avec le printemps et avec impatience. On distribue des martenitsi, bracelets de laine rouge et blanche, en souhaitant une Chestita Baba Marta, la fête qui donne l'espoir de jours fleuris. Il faut ensuite regarder vers le ciel, apercevoir une cigogne dont le nid couronne un poteau en état piteux, puis accrocher son bracelet à la branche d'un arbre dont les bourgeons sont sur le point d'éclore. On fait alors le voeu d'une vie ensoleillée, que l'on réitère chaque année.
Rafah ce matin est sous le soleil.
Mais les jours sont pluvieux, pluie de balles, pluie de morts, pluie de larmes. On meurt à quelques mètres d'une aide humanitaire. On n'y rêve pas de soleil, on n'y attend pas le printemps. On espère uniquement être encore là, à la fin du mois. On rêve de survie, de fuite et de mains tendues. Mais ici on n'entend et on ne tend rien. On zappe la météo et les infos pour s'oublier dans une fiction. L'Est est loin, le Sud aussi, le Nord n'existe bientôt plus, l'Ouest apporte tempêtes et dérèglements. Entre tout ça, même con, on se dit qu'on n'est pas à plaindre.