Garde-côtes.

Nice a du charme.
Les russes ont remplacé les anglais sur leur promenade, les américains parlent fort sur leur quai, les saoudiens font détoner les voitures de luxe comme des feux d'artifices, le plastique déborde des poubelles et des mannequins qui défilent en robe longue, talon aiguille et diamants devant les retraités du coin en claquette, bob et glacière. René, George et Léon assistent au spectacle depuis les Chaises Bleues en se disant tout de même, quel monde. Mais ils voient plus loin, dans l'automne, dans l'hiver. Dans cette ville aux mille couleurs qu'ils auront bientôt rien que pour eux. Ils ne voient que l'eau azur, le ciel rose et les palmiers grandioses. Alors je m'assois près d'eux et j'attends, face à la mer, parmi ce corps de garde-côtes.
Pas de pluie, pas de vent.
On n'a pas laissé que les affaires de cuisine derrière nous. On ne regarde plus le ciel, j'ai enlevé la météo de mes widgets. On peut tout laisser dehors, au pire, ça sèche. Oui, il fait chaud, la Méditerranée est plus chaude que mes douches, mais il suffit d'imaginer un monde sans nez qui coule et sans lèvres gercées pour tout embrasser. Il n'y a pas de marée, avec René, Georges et Léon on se baigne jusque tard dans la nuit, on plonge dans l'oubli. On flotte sur le dos et on regarde le défilé des jets juste au dessus de nos têtes. Parfois, on sent le niveau de l'eau monter et on comprend que tout ça ne peut pas durer. On sait que les airs de jazz qui envahissent Nice cette semaine ne suffiront pas à arrêter les fumées qui s'annoncent. Mais la Méditerranée est salée alors pour l'instant, on ferme les yeux.
Plus loin, la baignade est interdite.
La faute au rejets d'hydrocarbures des paquebots de luxe, qui scintillent comme des étoiles à l'horizon, loin de René, George et Léon. De la plage, on espère une tempête ciblée sur ceux qui s'imaginent au large être à l'abri des dérèglements, une belle frousse pour ces marins en costume de lin blanc. La plage de Cagnes est fermée alors depuis Cannes on pense au naufrage du Christina O imaginé dans la Palme d'Or Triangle of Sadness. Le sort s'est finalement abattu plus au Sud, une trombe marine qui n'a laissé aucune trace du Bayesian, pour éviter de défigurer les côtes siciliennes prisées des plus riches. Le capitalisme a perdu un de ses plus beaux superyachts et plusieurs de ses talents, le commun des mortels a quant à lui malheureusement perdu plusieurs commis. Mais il est en reste assez de chaque côté pour que l'histoire se répète car mes complices garde-côtes ne peuvent rien faire face aux naufrages à venir. Tout de même, quel monde, se disent René, George et Léon, Nice Matin à la main.