Goutte froide.

Crever.
Noyé dans sa maison. Submergé dans sa voiture. Emporté par une coulée de boue. Il va falloir revoir le champs des possibles et des probabilités, mourrir dans un crash d'avion au milieu de l'Atlantique est désormais has been, même le tsunami est devenu ringard. Elle fait froid dans le dos cette Goutte, la gota fria, celle qui porte bien mal son nom. Une goutte ? C'est une mer qui se jette du ciel quand on ne distingue plus l'horizon et qu'il est trop tard pour comprendre. A-t-on pu vérifier que les 213 morts (dernier décompte) dans le sud de l'Espagne étaient bien tous climato-sceptiques ? Parce que j'aimerais bien retourner à ma vie, là où il ne pleut que sur les cons, là où je m'inquiète seulement pour la machine à laver dans la cave. Faudrait vraiment pas qu'elle prenne la flotte, le bac à linge est presque plein et je n'ai plus de chaussettes propres pour demain.
Tuer.
Le ciel est bleu ici. D'un bleu roi que rien ne peut atteindre. On ne peut pas le toucher mais on le regarde comme un coupable qui a purgé sa peine. Un innocent blanchit mais pas immaculé. On s'offre à lui sans pour autant fermer l'oeil, même si son soleil cherche à brûler nos rétines et nos peaux. On le veut pourtant, ce traître. Avec la Méditerranée à quelques pas, calme et scintillante, ils nous sourient, nous attirent, inoffensifs et adorables. Ils noient nos regards dans leurs bleus, préparent leur coup dans notre dos, au sommet des montagnes. Tels des dieux grecs, chacun y met du sien pour façonner la goutte parfaite, pour former les monstres gris qu'ils enverront craquer sur la ligne de front. Tueurs en série qu'aucune loi ne peut juger. La nature fait mal les choses quand elle est carbonée. On la manipule mais elle reste intouchable. Ceux installés dans les villas sur les hauteurs le savent, ça fait longtemps qu'ils ont compris les conséquences de leurs actes.
Changer.
De machine à laver ? Non ! Il est loin le temps où seule la machine à laver (encore elle) inondait les maisons. Désormais, les lave-linges durent plus longtemps avec Calgon. Alors changer quoi ? On construit des digues pour affronter les avancées de la mer, mais qu'est ce qu'on peut faire pour affronter les caprices des dieux ? Contre ceux du ciel, pas de Calgon, pas de Carglass, on ne peut que fuir et se faire une raison : les réfugiés climatiques sont désormais Européens. Contre ceux du CAC40, pas nécessaire d'être magicien pour reprendre les cartes en main. La loi du nombre. Changer maintenant, renoncer doucement, ou tout perdre demain. Parce qu'il ne pleut pas que sur les cons, j'ai croisé un chic type qui allait bosser à vélo la semaine dernière, des litres d'eau coulaient de son t-shirt et pourtant, il m'a sourit quand j'attendais à l'abri sous le porche que le ciel finisse de pisser.