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Jeûne et centenaires.

Le grand coeur de Jean-Claude a pris beaucoup de place dans ma tête. Les personnes ordinaires sont le modèle à suivre, je n'ai plus de doute.
Jeûne et centenaires.
Des femmes ordinaires d'Okinawa, qui ont tout compris à la vie. Photo @bluezones.com

Le grand coeur de Jean-Claude a pris beaucoup de place dans ma tête.

Les personnes ordinaires sont le modèle à suivre, je n'ai plus de doute. Mais qui dit suivre, dit marcher droit, un minimum. Alors, pour avoir les yeux qui brillent comme Jean-Claude, je me suis donné deux claques sur le visage et je me suis dit que cette semaine, il fallait l'entamer du bon pied. Je partais pourtant dans un sale état, la faute à un désordre interne. Estomac, gros intestin et intestin grêle s'étaient remis à comploter contre moi, ça discutait de plus en plus fort les derniers jours et les conclusions étaient plutôt merdiques. Il fallait calmer tout le monde, dissoudre l'assemblée et proposer de nouvelles idées. Alors je décidais de me lancer dès dimanche dans un jeûne de soixante douze heures, car avoir un esprit sain dans un corps sain, ce n'est pas si con en fait. Il suffit de regarder le documentaire sur les centenaires d'Okinawa sur Netflix pour partir à la recherche de patates douces violettes et de son ikigai.

Je me disais qu'une courte pause valait bien le coup contre quelques années de plus.

Macron le confirmait dès lundi : avec désormais une pompe à chaleur made in France et une voiture électrique en leasing à 100 euros par mois, on allait enfin avoir les armes pour affronter l'apocalypse qui nous attend, sans chercher à mourir avant. J'étais néanmoins particulièrement fébrile au deuxième jour de jeûne sans même un bouillon de légumes, et je peinais à suivre la planification écologique. Apparemment le Gouvernement n'a pas pensé à jeûner avant les annonces pour remettre le système en ordre. Ainsi, d'un côté on donne la légion d'honneur au patron de Total (qui vient d'annoncer fièrement une croissance de la production d'hydrocarbures de 3% par an sur les cinq prochaines années), alors même que c'était Jean-Claude qui la méritait, de l'autre on investit des milliards d'euros (pas ceux des bénéfices de Total) pour accélérer la sortie des énergies fossiles. En même temps, donc. Néanmoins, il faut dire que le leasing électrique à 100 euros, c'est intéressant. Je n'en ai pas besoin mais, à ce prix là, pourquoi ne pas consommer davantage d'électricité. En revanche, pour ce qui est de la pompe à chaleur, j'avoue avoir espéré quelque chose de plus symbolique pour représenter nos ambitions. Comme la voiture qui roule au lait, que mon frère a imaginé il y a déjà plus de vingt ans. Mais si un million de pompes à chaleur vont sauver le monde, alors pompons la chaleur.

La prochaine fois, il faudra que je fasse aussi un jeûne de l'actualité.

Car je suis sorti de cette expérience avec quelques vertiges, à tituber au lieu de marcher enfin droit. Je voyais flou parfois, mais il m'a suffit d'une nouvelle petite claque sur le visage pour retrouver les idées claires. Pour quelques jours, la rébellion dans mon corps s'est tut et j'ai pu reprendre ma quête de sens sans halluciner, même quand certaines étoiles que je voyais n'étaient qu'effets secondaires. Il est important de rester actif pendant le jeûne, de sortir et de marcher, alors j'ai laissé l'ordinateur ouvert et les emails encore fermés pour prendre deux heures pour moi ! Cahier, stylo, répertoire et Assimil dans le cartable, direction ma première résolution : cours d'italien, en classe, avec professeur et élèves, et sans l'oiseau de Duolingo ! Sur le trajet, souriant tel Jean-Claude, je vois ces gens en vélo cargo, poireaux à l'avant, jumeaux en marinière à l'arrière, qui pédalent bien droit, tout sourire, face au vent. J'ai envie de me moquer du cliché, comme souvent, mais là je me dis que c'est finalement vraiment eux qui vont nous sauver. Les marinières au pouvoir ! La révolution des cirés jaunes ! Ma prochaine résolution est désormais actée : aller avec eux au Marché des Lices en tant que consommateur, pas en tant que touriste. Excusez-moi, vous pourriez me dire où sont les patates douces violettes ?

Car je crois que jusqu'à maintenant, j'attendais que le gouvernement me donne les opportunités pour changer.

Mais je ne me vois ni fabriquer, ni installer des pompes à chaleur. C'est bien trop lourd pour mes bras en polystyrène et mon dos en carton. Et, malgré mon amour pour l'Europe de l'Est, je doute que Dacia se mette à recruter des français pour suivre la demande de leasings électriques. Chacun va donc devoir y aller de sa planification personnelle. Ça tombe bien, je suis resté éveillé et en pleine forme pendant deux jours après le jeûne (ça marche !), j'ai eu le temps de refaire le plein d'idées. Et grâce aux warousoku, des bougies japonaises de médiation et de relaxation, j'espère cette fois bien les mettre en place et ne pas partir dans tous les sens. Okinawa, me voilà !