La diagonale du vide.

2500 kilomètres à travers la France rurale, de la Meuse aux Landes.
Une diagonale de vide qui donne le vertige. On est porté par la foule dans un slam à travers les rues d'une ville surpeuplée et soudain on tombe de haut, heurte le sol d'un champ aride entouré de plaines désertes. Ma diagonale du vide est différente. Je tire un trait d'un village breton à l'angle de la Manche et de l'Atlantique, à l'une des dernières villes méditerranéenne avant l'Italie. Je ne suis pas géomètre, mais c'est certainement la plus longue diagonale qu'il est possible de tirer en France. Un grand écart que je n'ai jamais appris à réaliser par manque de souplesse et de courage. Un fossé que rien n'a jamais comblé. Une tranchée dans laquelle aucun soldat n'aurait été inquiété. Quand j'ai finalement décidé de tirer ce trait, le vide était à l'arrivée. Depuis le départ, seul ce dernier est peuplé. On y rencontre une solitude dont seule l'imagination voit le phare dans la nuit. Car il n'y a dans ces lignes tracées et écrites que deux choses vraies : il faut tirer ce trait, réaliser que c'était la dernière ligne et tourner la page.
Sauf que quand vous êtes du genre à prendre trop de place, il convient de combler les espaces.
De lire entre les lignes, de corriger en bas de page, de laisser des notes en marge. Je ne déchire jamais mes pages, j'y reviens sans cesse pour m'inspirer. Pour comprendre où j'ai fait une erreur. Le long de ma diagonale les commentaires sont nombreux, les encouragements limités. Je suis un coureur étranger en plein ascension du Ventoux lors d'une étape du Tour de France, le courage en moins. Je ferai mieux d'être spectateur, sur la route il y a une ligne d'arrivée que je ne pense pas être capable de franchir.
Ma diagonale du vide aurait pu être un fleuve.
Il aurait pu être si dense et si riche qu'il aurait créé de nombreux affluents comme autant de nouvelles histoires à raconter, comme autant de lignes de vie à lire. On aurait pu s'y balader, sur une eau claire et calme, à suivre la chaleur au Sud ou le coucher de soleil à l'Ouest. Les tremblements qui frappent la Terre auraient bercé notre bulle. Une hymne à l'autarcie. J'avais toutes les cartes en main, j'étais Dieu qui créait l'Univers. Un désert aride où une mer vivante, j'avais le choix. À cette même époque je parcourais le désert marocain et sa puissante couleur orange m'a aveuglé. Tout le bleu du ciel n'y a rien changé, comme l'écrit aujourd'hui une homonyme. Mais j'ai vu que les oasis n'existent pas que dans les mirages. Elles sont bien réelles pour ceux qui n'ont pas peur du vide.