Le 7 avril 2050.

Date de fin.
Dernière échéance prélevée sur le compte 00050526269 (ouvert aux dons). Dans vingt-cinq ans (et huit jours), nous serons propriétaires, libres comme l'air, sans attache, vieux. Tenir, souffrir, subir, payer coûte que coûte, quoi qu'il arrive. Inondations par la montée des eaux, façade arrachée par une tempête, balcon effondré par un tremblement de terre, vingt cinq années à prier dans un monde qui bouge (avec le CIC), mais à taux fixe. Trois chiffres tels une Grande Ourse qui nous guide, qui nous oblige, une offrande au diable le sept de chaque mois, "qui ne gagne pas d'argent sur le prêt mais sur notre relation à long-terme". Nos culs et notre liberté dans l'apport, c'est marqué entre les lignes.
Date de début.
Inconnue. Quand est-ce que tout commence ? On choisit de croire en l'avenir, de se projeter, on nous impose alors l'assurance décès, l'assurance perte totale et irréversible d'autonomie, le testament, la dépendance. "Vous êtes chez vous", mais s'il advient quoique ce soit, la Garantie Crédit Logement vous en préserve, on récupère, on saisit, on vous saigne, pas d'inquiétude. L'immobilier ce n'est pas sorcier, seul le crédit l'est ! D'ailleurs, ne suis-je pas un expert ? "Félicitations, vous avez passé les pre-checks, les identity checks, les fraud checks, les bank checks, les credit checks, nous sommes heureux de vous faire une offre où c'est nous qui gagnons". Association de malfaiteurs entre mes ex et nouvel employeurs.
Mais chut, je suis heureux !
On va être bien, et puis le chien ? Hâte de me poser dans ce canapé en n'ayant plus peur de rien. De me plaindre d'une couleur que j'ai moi-même choisi. D'arrêter de me demander si la lampe ira bien dans la location suivante. On va enfin pouvoir faire comme chez nous. Tant pis pour la banque ! Et puis on vient de changer la serrure, on est serein. Si jamais, si jamais, il y a un club de boxe thaï à quelques pas de l'appartement, dans quelques mois je suis prêt à affronter catastrophes naturelles et budgétaires, à défendre les murs et les mensualités. De toute façon, quel est le risque d'un pépin dans les vingt-cinq prochaines années ? Vivons le présent, sabrons et sablons le champagne !