Nous autres on appelle ça des bassines.

Avec les trois jours de soleil en Août, j'ai lâché l'actualité.
Records de température et incendies, je me suis limité à la science-fiction, choqué quelques minutes par mes lectures, allongé sous la couette à me plaindre du temps maussade en Bretagne. Côté politique, à part la mise en place d'un numéro d'urgence Alerte Canicule et le soutien de Sarkozy à Darmanin pour 2027, c'est aussi calme qu'un Ehpad après un été à quarante degrés. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi le Gouvernement prend ses vacances en août, c'est pourtant le mois où il pourrait tout faire passer sans que personne ne s'en rende compte. Car on a bien trop à faire pour se soucier des réformes : se forcer à prendre des vacances comme tout le monde, partir là où vont les autres, se brûler sur une plage bondée, critiquer les vacanciers qui ont eu la même "idée", se plaindre de l'eau trop chaude ou trop froide, rentrer épuisés. Puis, à avoir hâte de penser aux prochaines "vacances" avant de rentrer dans une nouvelle complainte.
Bref, pendant ce temps là, au-delà de fusillades quotidiennes, il ne s'est pas passé grand chose.
On est revenu aux quatre éléments de la nature. On a donc parlé Feu avec des millions d'hectares brûlés en enfer et des centaines de victimes collatérales parties au paradis (alors qu'elles étaient déjà aux Caraïbes). On a parlé Vent pendant quelques tempêtes automnales sur les Côtes de la Manche, où j'ai eu la bonne idée de passer le mois d'août. D'ailleurs, je les appellerai désormais tempêtes aoûtomnales. On a par conséquent parlé Terre, en expliquant, pour ceux qui n'auraient pas encore compris, que la cause de ces évènements était le dérèglement climatique. Ce dont on a peu parlé en revanche, c'est des nouveaux rapports de l'Agence Internationale de l'Énergie, qui confirment que la consommation mondiale de pétrole et de charbon devrait connaître un nouveau record en 2023, après un précédent record en 2022 et avant un prochain record en 2024.
Et, tout aussi discrètement, autour d'un convoi de sept cents cyclistes juste avant le Paris-Brest-Paris (davantage médiatisé), on a parlé Eau.
On a évoqué brièvement leur départ des Deux-Sèvres direction Paris (pas de retour prévu), puis on s'est réjouit du niveau de sécheresse des nappes phréatiques, au plus bas depuis le début de l'année. Ça permettra de remplir les méga-bassines ! À moins que le Convoi de l'Eau et ses irréductibles cyclistes qui pédalent en plein cagnard ne vienne perturber la rentrée du Pouvoir. Car les Soulèvements de la Terre, qui faisaient eux leur rentrée avant l'heure (leur vacances ont été écourtées par la suspension de la dissolution du collectif demandée par Darmanin, futur candidat à la victoire en 2027, mais perdant en 2023), sont bien décidés à fêter les vingt ans du conflit avec vigueur. Car oui, si les rapports du GIEC nous alarment sans conséquence depuis 1990 (courage aux auteurs), les premiers projets de méga-bassines (et les manifestations contre elles) datent de 2003, année de... la première canicule ! Rien de neuf sous le soleil de plomb donc, on en reparlera dans vingt ans quand les nappes phréatiques s'appelleront des oasis et que Darmanin soutiendra Sarkozy pour la prochaine élection.
Et toute cette merde sur les bassines, ça me fait penser à Claudy Focan. Avec un simple montage vidéo, voici ce qu'il dirait :
On pompe l'eau des nappes pour la mettre dans des grosses bassines, nous autres on appelle ça des piscines. On s'en sert pour irriguer nos cultures intensives quand il y a des restrictions d'eau, on n'est pas con. Ces cultures rejetteront à leur tour des produits dans les nappes d'eau. Des produits c'est quoi : c'est du nitrate, du phosphate, des pesticides, bon ça c'est not' petite popote, le pot belge comme on dit. Une fois que les cultures sont prêtes, elles servent à nourrir les bêtes. Elles finissent digérées dans les intestins. On appelle ça plus communément de la merde, pour votre information. Une fois que cette matière a l'aspect de la viande, on l'enfile dans des boyaux, et puis ça part, dans les friteries, dans le commerce entre guillemets, et ca devient des fricadelles.