Numerus Clausus Barbarica.

On ne parle plus de numerus clausus depuis 2020.
Le clausus est désormais apertus, mais, ouvert ou fermé, le latin peine à régler les problèmes du XXI ème siècle, les X ne cochant plus les bonnes cases. On a toujours des penuris de soignantis et des desertus medicalus à-tire-larigus. Ça ne se dit pas, mais au collège il fallait choisir entre Latin et Musique, et tout le monde connaît mes talents de musicien et de chanteur. On a joué beaucoup de pipeau, je me souviens que pendant un mois on a chanté l'Hymne de nos campagnes, et je vous confirme que Tryo ne rendait pas hommage au médecin du village.
Si je vous parle de numerus clausus, ce n'est donc pas pour étaler mes compétences linguistiques.
J'ai déjà du mal à articuler le français. Non, c'est parce que j'ai fait un cauchemar la nuit dernière, certains parleront de prémonition. Ça se passait dans le futur, même si le numerus s'appelait toujours clausus, pas apertus. Ça se passait dans une faculté de médecine, je ne saurais dire laquelle. Ça se passait en première année, celle-là où les étudiants transpirent, se transcendent et s'entretuent dans un Hunger Game où, trop seul, on flanche, parfois. Ça se passait là où, après cinq nuits sans sommeil, on fait l'erreur d'être humain une seconde, de chercher un soutien, de sourire par inadvertance, de recevoir en retour quelques mots doux : "n'essaie pas de m'attendrir". Ça se passait là où la concurrence est féroce, violente, acharnée, là où les têtes sont des machines et les corps sont des zombies, là où on rêve d'années d'études interminables, pourtant hanté par la deuxième, le Graal, la réussite ultime, le doigt d'honneur au numerus, ouvert ou fermé. Ça se passait dans cette première année de médecine où ceux qui passent sont des dieux, et ceux qui doublent sont des menaces.
Car voilà le rebondissement, alors que je dors paisiblement.
Par manque de moyens dans l'une des académies (c'est un rêve très réaliste), trente étudiants sont envoyés en cours d'année dans une autre académie, dans une faculté de médecine qui a plus de place. Plus de places assises j'entends, pas plus de place dans le numerus, puisqu'il n'est pas apertus. Ils sont doublants, aïe. En entrant dans ce nouvel amphithéâtre un matin de janvier après deux réveillons à réviser, ils sèment la panique dans cette communauté réglée, où chacun avait déjà bien identifié ses ennemis. Ils creebt l'étincelle qui vient allumer la mèche du numerus bombus. Dans un élan de folie à l'opposé du principe de "parrainage" des écoles de commerce, un groupe d'une cinquantaine d'étudiants se jette alors sur les petits nouveaux, les tabassent presque à mort dans une barbarie au service du bizutage, pour s'assurer simplement qu'ils seront inaptes à continuer.
La suite, classique.
Une vague d'indignation se lève immédiatement dans tout le pays, d'abord contre ces sauvages sûrement bientôt cannibales, puis contre le système qui les a rendus inhumains. Les lynchages se multiplient dans les facs et personne n'est encore chirurgien pour limiter le massacre. Les forces de l'ordre manquent à l'appel, elles souffrent d'un manque d'effectifs et d'une envie de tirer sur les membres du gouvernement. On laisse couler car on n’oublie pas qu’on manque de médecins.
C'est là que je me suis réveillé. Alors pour l'épilogue, on verra dans deux, trois ans.