Oh, La la land.

Ce soir là, dans la salle, il y avait deux Oscars, Damien Chazelle et Justin Hurwitz, et pas moins de quatre-vingts instruments, ceux du Yellow Socks Orchestra & Jazz Band.
Ce soir, je n'avais donc plus d'excuse pour ne pas regarder La la land, six ans après sa sortie. L'excitation finit par me gagner à mon tour quand l'orchestre s'installa. Avant que le silence ne s'installe lui aussi, les spectateurs à côté de moi, vinyles sous le bras, sifflotaient des airs addictifs que je n'avais jamais entendus. Les lumières éclairèrent "les mains de Ryan Gosling" au piano et ce fut l'euphorie. L'Ouverture se fit douce pour calmer les ardeurs, mais les lumières violettes annonçaient la couleur de ce qui nous attendait. J'y suis encore. Sur l'autoroute de Los Angeles, les voitures sont à l'arrêt, mais pour nous, ça va déjà à mille à l'heure et je suis scotché sur mon fauteuil. Aux fans du film, je voudrais m'excuser des moqueries passées. Ce qu'ont réalisé le gars cinq sièges devant moi et celui à la baguette face à l'écran, c'est une pépite.
Ce n’est pas une comédie musicale, c’est une histoire Vraie.
Deux vies à l’autre bout du monde et à l’autre bout de la mienne, si réelles. Deux rêves qui donnent envie de croire aux siens, des sacrifices qui déchirent avec plaisir. J’ai pris une claque, elle m'a donné le sourire. Les airs emportent et on s’élève nous aussi dans ce planétarium, on se dit qu’il n’y a pas qu’à Hollywood qu’il y a des étoiles à toucher. Comment j’ai pu passer à côté de ces deux regards qui peuvent tout changer ? De ces rythmes qui font battre le cœur à la vitesse d’un coup de foudre. J’avais envie de m’imaginer poète, danseur ou trompettiste, vraiment. Mais ça n’a pas duré, d’une manière ou d’une autre on s’obstine à penser que ce n’est qu’un film, qu’on aura qu’à le rejouer, lui et ses airs de jazz, quand on aura le blues.
Tout de même, on a applaudit, applaudit, applaudit.
Puis on est sorti dans le froid de Paris. On a couru vers Bonne Nouvelle pour prendre un métro en retard. On a voyagé et juré dans une rame bondée. On avait encore des couleurs de City of Stars dans les yeux en arrivant, mais quelques heures plus tard, on se contenterait de notre existence en embrassant à nouveau notre hypocrisie. Pourtant, dans la Ville des Lumières, on sait qu'on ne peut pas se cacher. On sait qu'on va se mentir pour de vrai, qu'on va laisser les airs s’éloigner de nos lèvres, qu'on va oublier que des rêves se réalisent dans la vraie vie. On évitera de se rappeler que, devant nous, on avait deux étudiants colocataires qui ont reçu ensemble une flopée de statuettes quelques années plus tard. Comme je me suis moqué du film, on avait dû bien se moquer d'eux à l'université quand ils chantaient et dansaient sur la musique des Demoiselles de Rochefort. Désormais, on les envie, on les jalouse quand on les voit, puis on rentre bouder chez soi. On essaie de ne plus y penser, mais, dans nos têtes, les Pa, pa, pa pa pa pa, pa, pa pa pa pa de Somewhere in the crowd ne s'arrêtent pas de tambouriner.
Tou dou dou dou, tou tou tou tou tou doooouuuu (City of Stars).