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"On ne tue jamais par amour."

La Vilaine m'apaise. En plus, près d'elle, il fait un bon degré de moins. Je n'avais pas demandé autant de changements, d'un point de vue climatique, la fraîcheur bretonne faisait partie des choix, pour garder la tête froide.
"On ne tue jamais par amour."
Illustration du mot "Féminicide" dans le dicitionnaire Le Robert, "élu mot de l'année 2019...

La Vilaine m'apaise. En plus, près d'elle, il fait un bon degré de moins. Je n'avais pas demandé autant de changements, d'un point de vue climatique, la fraîcheur bretonne faisait partie des choix, pour garder la tête froide. Car, dès que l'on dépasse trente degrés, le monde la perd. Je voulais parler de cette charmante terrasse sur laquelle j'écris, mais l'actualité m'a rappelé qu'aucun endroit paisible n'est à l'abri de la folie. Et elle va ajouter de l'amertume et un goût de fer à votre café ce matin.

Les faits.

Il y a donc cette femme de quarante-deux ans (je ne sais pas pourquoi je précise l'âge comme un média, ça ne change rien), assassinée à coups de machette (une machette ! une dizaine de coups !) dans un putain de village paumé de Savoie, La Croix de la Rochette. La Croix de la Rochette ! S'il y a des meurtres à la machette avec préméditation à La Croix de la Rochette, je pose la même question que cette vieille dame devant moi à la caisse de La Vie Claire : mais où va-t-on ? Et ce n'est pas tout. L'ex-mari, tueur "présumé" (présumé mais caché dans un bois à cinq kilomètres de là alors qu'il habite normalement à Nice), la tue sous les yeux de son enfant de trois ans (ici, l'âge a une certaine importance). Quand je dis "son", je dis à elle, mais aussi à lui ! Il tue la mère de ses enfants de sang-froid devant son gamin. À La Croix de la Rochette ! Bon sang !

Les blagues.

La victime, fonctionnaire de police, faisait l'objet d'une ordonnance de protection, qui, je cite, "permet d'assurer dans l'urgence la protection de victimes de violences conjugales ou intrafamiliales". En 2020, l'ex-mari a été condamné pour non-respect de cette ordonnance. Donc, en plus d'un meurtre à La Croix de Rochette, on a une protection qui ne protège pas et une condamnation qui ne condamne pas. Avec cette vieille dame à La Vie Claire, j'y vais de mon analyse, mes légumes bio dans mon sac en jute : "La Police et la Justice sont à bout de souffle et Darmanin et Dupont-Moretti sont occupés à nettoyer leurs mises en examen pour briguer la Présidence." Mais la lutte contre les violences faites aux femmes n'était-elle pas "la Grande Cause" du quinquennat ?, dit la vieille dame. Je hausse les épaules comme un emoji.

Les médias.

Il y a les articles qui vont chercher des liens là où il n'y en a pas. Il y a ceux qui interrogent les voisins qui étonnement répondent qu'ils sont choqués et qu'ils ne connaissaient pas la victime. Il y a la glorieuse BFM TV qui interroge "un proche du principal suspect" aux réponses pertinentes, comme : "Je connaissais sa femme, charmante et lumineuse. Lui était à l'opposé, taiseux et renfermé." Ou le commentaire du "Consultant police-justice" de la chaîne, qui explique ce qu'il s'est passé : "Notre témoin parle d'un homme discret, serviable, introverti, qui, en 2017, a commencé à gliiisser." Ah mince, il a commencé à glisser. On se demande comment on devient "Consultant police-justice", après avoir raté un examen certainement. Mais, ce qui m'attriste le plus, c'est l'article de Libération (Libération bordel, mais où-va-t-on ?) : Féminicides : 118 femmes tuées en 2022 en France. C’est un bilan stable, sans aggravation inquiétante, ni amélioration rassurante. Cent dix-huit femmes ont été tuées en 2022 en France par leur conjoint ou leur ex-conjoint, soit quatre de moins qu'en 2021. J'ai l'impression qu'il faut s'en réjouir, que c'est stable, qu'on est sur une statistique de l'INSEE. On en fait l'analyse comme l'évolution du prix des pâtes. Quatre de moins, en voilà une bonne nouvelle à mettre au bilan des justiciers du Gouvernement. Je ne sais pas ce qui distingue une aggravation d'une aggravation inquiétante quand on parle de féminicides, mais on verra en fin d'année. Car pour 2023, on est sur une bonne lancée, avec 90 à fin août. Un dernier coup de machette et on bat le record avant les JO.

Les cons.

Et pour finir, parlons de nous. Mais que fait-on ? On fait une cagnotte Leetchi ! Une putain de cagnotte Leetchi ! Mais où va-t-on ? Il faut arrêter avec les cagnottes. Je croyais que c'était la crise ? Vraiment, on se dit "tiens, elle a été tuée à coups de machettes, je vais donner cinq euros à sa famille" ? On va finir par tuer nos proches quand on est en galère d'argent ! Et parmi nous, y-a-t-il d'autres fous ? Une petite bite trop serrée dans un slip qui a regardé trop d'épisodes de "Meurtres à..." sur France 3 et qui se dit, tiens, je serais moins tendue après quelques coups de machette ? Je n'ai pas été voir s'il y avait aussi une cagnotte pour le tueur "présumé", je ne voudrais pas que ça donne des idées.