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Pietonman.

Pourquoi ce printemps a un air d'été en France ? Il est 6h20, il fait encore sombre dehors mais je vois les quelques lumières de la grue du chantier en face de l'appartement se refléter sur le sol mouillé, constamment mouillé, du parking.
Pietonman.
Photo by Joshua Sukoff / Unsplash

Pourquoi ce printemps a un air d'été en France ?

Il est 6h20, il fait encore sombre dehors mais je vois les quelques lumières de la grue du chantier en face de l'appartement se refléter sur le sol mouillé, constamment mouillé, du parking. Je suis esquimauté (habillé comme un esquimau) dans mon sweat à capuche intérieur polaire, et c'est la première phrase que je lis en ouvrant l'actualité : pourquoi ce printemps a un air d'été en France ? Me suis-je réveillé ailleurs qu'en France ? Peut-être suis-je en Ushuaia où l'automne arrive déjà ? Ou simplement, tout le monde se perd dans les saisons, comme les ingrédients sur une véritable pizza quattro stagione. Pourquoi ce printemps a un air d'hiver en France ? voulait certainement dire le journaliste, mal réveillé et peut-être lui aussi, désespéré. Certainement.

Nous avons marché trente minutes hier soir.

J'avais osé ne pas prendre mon bonnet, après tout j'assume désormais ma calvitie et surtout, il faisait jour et nous sommes officiellement à l'heure d'été. Sauf que voilà, ma gorge a attrapé une toux et mon oeil un orgelet, car bien sûr ici, il n'y a pas de fumée sans vent. Mais au-delà du climat qui perd le nord, c'est tout qui se dérègle. Et surtout, surtout, le code de la route. Au point que j'ai créé dans mon imaginaire un nouveau héros Marvel : Pietonman. Il fait des doigts d'honneur, s'engage coûte que coûte sur tout chemin zébré, donne des coups de Dr. Martens aux voitures qui passent sans s'arrêter, et ne croit plus en Midas, le Dieu grec de la route. Car les voitures qui ont perdu le contrôle sont nombreuses, presque aussi nombreuses que les déjections canines et alcooliques sur les trottoirs rennais.

Pietonman n'est peut-être pas que dans mon imaginaire.

L'Audi A4 Sportback qui a voulu rivaliser avec Pietonman devant la gare est en effet véritablement blessée à l'aile gauche (la Dr. Martens, elle, n'a aucune égratignure grâce à son montage Goodyear). Mais il ne s'agit pas que des automobilistes, l'ennemi est partout sur la route. Hier soir, au feu (rouge), une cycliste fonce droit sur nous, qui traversons sagement face au vent le passage piétons. Elle chuchotera "pardon, pardon, pardon" mais ne s'arrêtera ni ne ralentira jamais, allez comprendre. Je sais que le monde s'emballe, je regarde d'ailleurs La Fièvre, mais tout de même, les aides à la conduite et les freins n'ont jamais été aussi efficaces, il me semble.

C'est le retour des faucheurs.

José Bové a disparu de la plupart des champs et des radars, mais la relève est là, sur la chaussée. Des automobilistes fauchent des cyclistes, des cyclistes fauchent des piétons. C'est un pierre-papier-ciseaux version Mille Bornes, mais le piéton ne fauche personne, sauf Pietonman, bien sûr. J'ai cherché les statistiques sur "le nombre de personnes fauchées en France" mais je ne tombe que sur des articles liée à la pauvreté, les pauvres sont en effet plus nombreux, pas de doute. Je n'aurais donc pas ma réponse, mais pas besoin de chercher loin, il suffit de remonter la rampe d’accès au port de Brest dimanche dernier : à 1h30, une jeune femme de 24 ans est mortellement fauchée, sur une route que j'ai empruntée des dizaines de fois, à la même heure, il y a quelques années. J’appelle Marvel de suite.