38 degrés à l'ombre.

Vous ne pensez pas sérieusement que nous allons accomplir un miracle.
Celui de retourner une situation désespérée en moins de trois ans. J'aime croire en beaucoup de choses, comme rêver qu'on se mette à lire ce blog, mais j'ai peine à imaginer qu'on se mette à lire les rapports du GIEC. D'après les quelques jeunes lecteurs inquiets, le dernier rapport nous donne 1095 jours (environ) pour construire une baguette magique (sachant qu'il nous faudrait la moitié de ces jours pour lire le rapport), par une collaboration internationale sans précédent. Disons que, dans le contexte actuel, un avenir commun ou une survie commune semblent plus difficiles à concevoir que la fin du monde. Et puis, le prochain rapport du GIEC, dans six mois, nous dira qu'en fait, il est trop tard. Car on ne crame pas une année de Terre par an, les brindilles de nos déboires s'embrasent de manière exponentielle.
Je ne suis bien sûr personne pour juger.
J'y vais simplement de mon coup d'épée dans l'eau. Pour moi qui gamin était fasciné à l'idée de voir un jour Excalibur surgir du Lac de Brocéliande, l'esprit innocent dans un monde magique, c'est une belle expression. Mais c'est peut-être ça la clé, s'enfermer dans l'imaginaire, se goinfrer d'histoires, s'enivrer d'utopies. Certains s'imaginent être à l'abri dans le Metavers, à troquer une vie contre des NFT. Moi j'espère toujours une porte d'entrée dans le clip Respire de Mickey 3D. J'imagine un virus qui nous confine chez nous. Plus d'industrie, plus d'économie, plus de déplacements, plus de médias (car il n'y a plus de scandales). Chacun Candide cultive son jardin, en attendant des jours meilleurs. Pendant que l'on ronge son frein en famille, la nature ronge les routes d'asphalte, les places de béton, les usines de métal. Le virus ne semble emporter que les plus cons, ceux qui se plaignent "qu'ils ont une économie à faire tourner", "des objectifs à atteindre", "de la richesse à créer". Le monde se porte mieux, on est reparti pour un tour, il reste de l'eau dans le Lac, Excalibur est sauve.
Au cas où, je choisis la Bretagne.
Quand je fais le tour des conséquences du dérèglement climatique, c'est ici que je nous imagine le plus épargné. Une hausse des températures de deux degrés ne serait pas désagréable. On aurait la mer comme source d'énergie. On pomperait la montée des eaux pour irriguer nos cultures, nos légumes seraient déjà salés à l'arrachage. On monterait en haut de nos phares pour regarder désormais vers les terres, pour montrer à nos enfants le spectacle d'une inondation qui submerge un immense incendie, à quelques centaines de kilomètres de là. Le sarrasin serait notre ultime preuve d'indépendance, un pied de nez aux quelques survivants qui s'entretuent pour les derniers épis d'or.