Procrastimer.

Jeudi 19 septembre 2024, 15 heures.

C'est la rentrée, pour les membres de l'Académie Française. Après les autres. Peu sont frais comme des gardons, trois mois de pêche à la mouche n'auront pas suffit à rajeunir les Immortels. À l'ordre du jour, la prochaine édition du Dictionnaire. les années se suivent, et se ressemblent. Lors du discours de M. Amin Maalouf, Secrétaire Perpétuel, les mines sont déconfites, la motivation est restée au bout de la canne à pêche, telle une mouche qui ne vole pas. On aurait aimé décaler cette rentrée, d'autant plus qu'on étouffe encore à Paris.

D'autres qui attendent la rentrée, ce sont les Ministres.

Les démissionnaires attendent la sortie depuis trois mois, il devait y avoir un préavis. Les prétendants se fatiguent dans les starting-blocks, à coups de faux départ. On attend, on se rappelle la finale de basket aux JO, déjà loin, on a peur de sauter et de lever la main trop tôt, ou trop tard. Le Président aime les dribbles et les feintes de shoot, inspiré par Stephen Curry, espérant remonter sa popularité trois points par trois points. Pour l'instant, tout le monde se demande surtout ce qu'il fout.

La séance de travail a commencé dans la Petite Salle des séances du Palais de l'Institut de France.

Nos Académiciens se rappellent doucement à leur routine, les habitudes reviennent. Faut dire que certains sont là depuis presque trente ans, on les regarde d'ailleurs en se demandant quand ils laisseront leur place, la canicule aura un jour raison de chacun d'eux. On entend des os craqués ici et là, on pense à la nouvelle édition du Dictionnaire en cours d'élaboration, on se demande si elle verra le jour avant le prochain gouvernement. Mais rien ne presse, un dictionnaire n'a vocation qu'à les occuper, pas à changer le monde.

Pour le dérèglement climatique en revanche, pas de rentrée, car pas de vacances.

Pas de pause, pas de repos, c'est le secret pour se renforcer. Il s'adapte seulement aux saisons et à l'équipement disponible sous la main à chaque endroit ciblé. Ces dernières années, il a souvent eu peur qu'on ne vienne le ralentir, le discours de Greta Thunberg aux Nations Unies avaient marqué les esprits, la petite était même venue en bateau pour marquer le coup. Mais les vacances des dirigeants sont arrivées, et la pêche permet de vider l'esprit. Maintenant, il n'a plus peur, sa marche est lancée et les gouvernements procrastinent, il ne peut rien lui arriver.

La Séance Ordinaire est officiellement lancée.

On papote sur les nouveaux mots de l'année, la plupart sont efficaces pour souligner l'inefficacité des pouvoirs publics. Climaticide, surtourisme, agrotoxique, fast-fashion, PFAS, mégabassine... "Heureusement qu'on a inventé le mot technosolutionisme, car il ne nous reste plus qu'à espérer que la technologie nous sauve", s'aventure un Immortel. D'autres proposent d'ajouter au Dictionnaire le mot politicosolutionisme, en espérant que quelqu'un le lise. On finit par se mettre d'accord pour Procastimacron (n.f) : (verbe : procrastimer) art de décaler les décisions importantes en politique jusqu'à extinction de l'humanité.