Reboot.

4h30 hier matin.
Un amoureux des mimosas a fait un burn-out. Le rouge et les paillettes du Festival de Cannes juraient sur son vieux poste de télévision, déjà que le jaune des cimes du Tanneron s'était estompé trop vite, alors il s'est levé au milieu de la nuit et mis le feu au poste électrique de la commune. Il ne voulait voir ni Palme d'Or ni Grand-Prix de Monaco, il voulait seulement fermer les yeux et revoir les arbres en fleurs. Au matin, il a pensé au petit gars au pied de la colline pour qui les lumières continuaient de clignoter et les notifications Teams de pleuvoir, malgré le week-end. Alors il a pris la scie à métaux dans son garage et s'est battu avec un pylône électrique. La Croisette à l'arrêt, il a sourit et le petit gars au pied de la colline a enfin pu se détendre.
Quatre heures hier matin.
Sans électricité, sans data. Aucun feux de circulation fonctionnel dans la ville. Tout est perturbé, sauf mon rythme cardiaque. Lui a retrouvé son battement d'antan, innocent et reposé. Le dernier message des États-Unis, we will need to resume on Saturday morning, est la victime collatérale d'un fait divers. On n'a enfin rien à faire. On savoure, on vide le frigo avec appétit, on finit le vin pour fêter ça. Mon téléphone est déchargé. On a sommeil et tout le temps pour sommeiller. Je pense au gars en haut de la colline varoise, je me demande ce qui a pu lui passer par la tête pour scier un pylône électrique, puis m'endors avec le sourire.
14h.
Un simple bip et c'est le retour à la normale. Mais on ne bouge pas, on fait comme si de rien n'était. La télévision s'allume toute seule, le Festival de Cannes fonctionne sous groupes électrogènes, les jets continuent de percer le ciel azuréen. Mais nous, on reboot. Quatre heures dans le néant, après avoir été déconnecté sans Quitter, ça ne laisse pas indemne. Ça recharge, ça redonne de l'énergie, sans électricité. Et surtout, ça donne envie de débrancher à nouveau. Alors c'est ce qu'on fait. L'amoureux des mimosas s'est d'ailleurs réincarné au pied du canapé, étalé de tout son long sur le sol, imperturbable. Un chien retraité que l'on vient de recueillir, qui se fout de tout, des paillettes, des tapis quelle qu'en soit la couleur, de l'électricité. Mais qui, certainement, aime beaucoup les arbres en fleurs.