S'aimer vite.

A quelle allure va votre vie ?
Vous marchez, vous courez, vous faites du sur place, vous avez l’impression de reculer ? Moi j’ai l’impression de tout faire trop vite. Je regarde sans cesse en arrière car je n’ai même pas le temps de réaliser ce que je réalise. Mais à aller trop vite, je ne gagne qu’à arriver trop tôt sur la ligne d’arrivée. Or c’est bien la seule ligne que je ne suis pas pressé de franchir.
D’autres vont encore plus vite.
Les premiers vols privés vers l’espace sont une réalité. L’avion spatial vous embarque à la vitesse de 4200 km/h. Vous vous pensez géant au décollage, parmi les seuls à pouvoir vous offrir quelques instants à 100 kilomètres d’altitude. Puis, là haut, vous vous rendez compte à quel point vous êtes insignifiant. Le voyage suborbital, c’est finalement le meilleur moyen de remettre les pieds sur Terre.
À défaut d’un billet pour l’espace, je me réjouis à l’idée de m’acheter un vélo, sans assistance électrique ni compétence galactique.
J’ai hâte. J’ai hâte d’avancer à 20 km/h. J’ai hâte de prendre le vent, de respirer les embruns, de sourire dans les bas, de grimacer dans les hauts. De vivre l’inverse. D’avoir le cœur qui bat plus vite pour que tout autour soit plus calme. Je ne veux plus être percuté à grande vitesse à chaque écoute des mots de Cabadzi. On marche vite, on mange vite, on travaille vite, et c’est comme ça qu’on va finir par s’aimer vite.
C’est finalement le plus triste, s’aimer vite.
On a mal réglé la vitesse et on déraille. C’est le cœur qui s’arrête de battre au milieu du chemin, c’est l’envie de revenir en arrière quand il faut aller de l’avant. Il faut voyager au-delà mais on ne peut pas se détacher de l’orbite. On tourne, on répète sans cesse les mêmes cercles, on se voit à l’horizon et dans le rétroviseur. Pas d’angle mort, on vit de déjà-vus et d’erreurs déjà commises.
Je veux ralentir pour prendre les bons virages, sans déraper, sans percuter un autre moi à mille à l’heure.
Un rythme de croisière pour prendre les bonnes vagues. Retrouver mon souffle, sentir le tien dans mon cou plutôt qu’un vent dans le dos. M’accrocher à toi plutôt qu’à des utopies. Ne plus viser de comètes, simplement garder la tête haute pour observer le ciel lacté. Les sommets sont plus beaux vus d’en bas. Seule la Terre est particulièrement belle vue d’en haut, mais j’aurais tout le temps de l’admirer une fois la ligne d’arrivée franchie.