Shinrin Yoku.

Ceci est une histoire vraie.
Celle de Lucy Jones. Lucy Jones, comme d'autres Lucy et d'autres Jones très certainement, était aux prises avec sa santé mentale. La dépression et la toxicomanie lui tenaient compagnie au quotidien. Nous avons malheureusement tous des proches que nous préférerions ne pas avoir. Ces légères perturbations que nous appréhendons inconsciemment à l'adolescence, sans imaginer qu'elles nous trahiront dix ans plus tard. Pourtant, nous ne leurs avons pas donné rendez-vous. C'est ainsi que Lucy Jones a développé jeune une aptitude à boire, comme d'autres. Une compétence qui, quand la vie s'est indubitablement accélérée, est devenue une addiction. Les amis sont les amis, il faut accepter leurs défauts. Journaliste musicale, son environnement lui-même était alcoolisé et drogué, Lucy Jones n'était qu'un dommage collatéral. À seulement 27 ans, elle est à genoux. Les dépressions ne dépriment plus, elles détruisent. Mais on ne dit pas "je fais une destruction". Mais là n'est pas la conclusion de l'histoire de Lucy Jones. Car elle trouve la force de se relever pour entamer une marche vers la sobriété. Psychiatrie et psychothérapie lui apportent un peu de lumière, sans pour autant vous éclairer sur le titre de cet article.
Pour dépeindre une image un peu plus lumineuse, il faut préciser que Lucy Jones a des amis autres que ses démons.
De vrais soutiens, car la dépression n'a pas d'épaule sur laquelle pleurer. Mais elle a également découvert une autre source d'apaisement, plus mystérieuse : errer quotidiennement dans les marais de Walthamstow, au nord-est de Londres. "L'expérience m'a ouvert les yeux sur l'extraordinaire pouvoir de guérison du monde naturel", dit-elle, avec ces mêmes yeux aujourd'hui brillants. Lucy Jones a du temps libre, le genre de temps libre qui pèse quand la liberté rend incapable. Elle doit s'occuper. Alors elle choisit quelque chose de plutôt simple : marcher. Se laisser porter tous les jours sur les sentiers des marais. Elle observe les crécerelles, les chenilles, les hérons. Cela l'aide à se sentir en sécurité, sourit-elle. Ces rencontres nourrissent son esprit, ces promenades lui montrent le chemin. Lucy Jones écrit mieux que moi, ainsi je préfère la traduire.
"Le monde naturel est devenu une cure de désintoxication, il m'a apaisé et il m'a reconstitué.
J'avais l'impression de me promener sans peau. Sur les marais, je me suis ouverte, j'ai commencé à regarder vers le haut et vers l'extérieur. Je marchais seule, mais sans souffrir de solitude. Je me rendais compte que j'appartenais à une famille d'espèces plus large, la matrice de la vie, des araignées au lichen et des cormorans aux foulques. La nature m'a prise par la peau du cou et je me suis reposé un moment sous ses soins. Avec le genre de désir urgent que j'avais autrefois pour les substances psychotropes, j'étais maintenant attirée par les arbres, les oiseaux, les fleurs et les plantes. J'ai compris que le temps passé dans la nature adoucissait les voix dans ma tête, mais je ne comprenais pas, au début, ce qui se passait dans mon corps, mon cerveau et mon esprit. Je n'avais pas réalisé que l'essence de la nature - la géométrie, les parfums, les sons, les couleurs, les textures, la composition chimique - pouvait avoir un tel pouvoir de changer la vie mais, assez rapidement, cela est devenu évident. J'ai commencé à planter des choses pour les voir pousser. L'une des premières choses que j'ai remarquées, c'est qu'après avoir jardiné, en enfonçant mes mains profondément dans le sol, je me sentais heureuse."
L'histoire de Lucy Jones est une belle histoire.
Une histoire vraie qui n'est d'ailleurs pas unique. Lucy Jones est inspirante, mais ce n'est pas elle qui a trouvé le titre de cet article. C'est en 1982, alors que Lucy Jones vient d'avoir 5 ans, que le Japon préconise le Shinrin-Yoku, la pratique du bain de forêt, pour une bonne hygiène de vie. À vrai dire, la médecine antique déjà attribuait des vertus curatives aux arbres. Plus récemment, la guérison par la nature se prouve biologiquement. Ainsi des chercheurs ont découvert que la bactérie M Vaccae présente dans le sol affectait le cerveau et augmentait la résistance au stress. Elles a même été administrée à des patients atteints d'un cancer. "Aujourd'hui les études nous amènent à nous demander si nous ne devrions pas tous passer plus de temps à jouer dans la boue", conclue le Dr Christopher Lowry.
Pourtant les forêts disparaissent, les parcs déclinent.
Lucy Jones se délecte de la nature en même temps qu'elle tombe dans un état de deuil écologique. Il est de plus en plus difficile de contempler, sentir, toucher. Bientôt nous ne pourrons que nous rappeler notre enfance, ces moments entourés de vert, avant les turbulences. Fermer les yeux pour sauter dans une flaque, se rouler dans l'herbe, courir dans un champ, creuser la terre pour suivre un ver qui sans aucun doute, est heureux.