Spem habeo.

Je ne me plains pas.
Je ne me plains pas, je ne me plains pas. Hebemus papam et spem habeo. J'ai de l'espoir. Pas celui de Léon XIV d'une paix mondiale, mais celui d'une paix intérieure, d'une issue égoïste et positive à ce conflit entre mon coeur et ma tête. À ce tourment qui me dit que je dois faire quelque chose en m'empêchant de faire quoique ce soit. Tout se déchire, rien ne s'attache, pourtant, c'est évident comme s'il n'y avait pas de choix. Il me reste à trouver le déséquilibre et à me laisser tomber. Je le sais, que c'est juste un toboggan, un léger vent de face, que même si je tombe sur le cul, ça ne fera pas mal, que j'aurais le sourire et que je remonterais de suite. Que j'aurai le sourire sourire et que je remonterai de suite.
J'ai le vélo dans le coffre.
Un Peugeot plus vieux que moi, en parfait état, lui. Une roue à remettre avec une clé de 14, et je remonte en selle. Je fais du vélo quand j'ai l'esprit libre, c'est à dire gamin jusqu'à mes quinze ans, puis quelques fois lors de mon passage éphémère dans les parcs de Francfort, et enfin entre les gouttes (donc rarement) à mon retour en Bretagne. J'ai l'espoir de faire plus d'aller-retours cette fois, j'ai l'équipement pour aller loin, et le soleil. Je préférais l'idée du caddie à tirer pour aller au marché provençal, mais, tant que j'ai les genoux, les poireaux iront dans le panier, à l'avant du vélo. À Rennes c'est être hipster et tendance, ici c'est être vieux et heureux.
Parce que c'est mon projet.
J'en gère tous les jours depuis un bout de temps, des projets, mais je n'ai jamais vraiment défini le mien. Du coup, ça traine, ça prend du retard, ça postpone les deadlines, comme on dit dans le jargon vomitif. J'enfile chaque matin mon costume de pompier pour éteindre les feux, et, quand bien même j'y arrive, que reste-t-il ? On me félicite car il n'y a pas de victime à déplorer, mais je tousse de plus en plus. Cette fois je préfèrerais bâtir quelque chose à moi, sur les ruines de tous ces incendies. Pas de phénix, pas de reconstruction à l'identique, au contraire, un projet qui anéantit une bonne fois pour toutes les échecs calcinés. Avec un petit toboggan si jamais il fallait recommencer d'en bas, et un petit local pour mon vélo, qu'il ne prenne jamais la rouille.