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Tanuki et Paulownia attendent Ciaran.

Le lit grince dans l’appartement du dessus, comme tous les jours entre 19h et 19h15. Comme tous les jours depuis le début de l’automne, une routine que le décalage horaire ne semble pas avoir perturbé.
Tanuki et Paulownia attendent Ciaran.
Statuettes de tanukis dans le village de Shigaraki, au Japon ©Nicolas Celnik

Le lit grince dans l’appartement du dessus, comme tous les jours entre 19h et 19h15.

Comme tous les jours depuis le début de l’automne, une routine que le décalage horaire ne semble pas avoir perturbée. De mon côté, le rythme aussi est soutenu et les bruits séquencés : je coupe mes oignons sur la planche en bois. Je prépare pour la première fois des légumes fermentés. Depuis le temps que j’en parle, je n’avais plus le choix que de m’y mettre. La recette demande de malaxer les oignons avec les mains (quelle barbarie !), j'essaie de penser à autre chose. Je pense à cet article, je me demande si l'oignon peut vraiment faire du jus comme le dit la recette (oui !) et si ce moment de cuisine me donnera suffisamment de contenu pour un billet entier. Raté.

Les yeux qui pleurent et les doigts qui puent, je me repose après cette épreuve.

Un verre de vin à la main, je regarde, pas peu fier, mes oignons enfin prisonniers dans le bocal. En attendant la déception dans une semaine à l’ouverture, je me dis que pour l’instant, tout va bien. Ciaran n’est pas encore passée (je me suis dit qu'il était préférable d'écrire lundi, l'apocalypse est si vite arrivée). Alors je pars à la recherche d’une bonne nouvelle, d’une belle histoire à partager. Je pense souvent à sauver le monde, et je me dis que certains vont forcément au delà de la lacto-fermentation de légumes bio. Bingo.

Le premier qui va peut-être nous sauver, c’est le tanuki.

Ce n'est pas un légume fermenté, c'est le cousin du raton-laveur, version japonaise et avec d’énormes couilles, au sens propre. Posté à chaque coin de rue, en céramique s'entend, il est ancré dans la culture légendaire nippone depuis 800 ans. Considéré comme un porte-bonheur (avoir de gros testicules rend-il heureux ?), son nom peut se traduire par l'idée de "dépasser les autres", d'où l'expression "avoir une paire de couilles", j'imagine. Il apporterait ainsi prospérité à celui qui place une statuette devant son commerce, en rapport à ses bourses bien remplies, j’imagine. Bref, le japonais aime le tanuki. Le japonais est gentil aussi, pas de doute (moi je l'aime beaucoup), mais le japonais est aussi un petit peu méchant. Et oui, comme tout bon puissant de l'hémisphère Nord, il détruit les forêts. Et dans les forêts, il y a qui ? Le tanuki. Et donc, le tanuki sauvage se fait de plus en plus rare sur l'archipel (ce que je vous dis pas, c'est qu'il a commencé à envahir l'Europe de l'Est, sûrement à la recherche d'une Lada pour se balader en forêt). Alors on fait comment au Japon pour réveiller les consciences, on distribue le rapport du GIEC dans les boîtes aux lettres ? Et non, car le japonais ne croit pas aux discours scientifiques sur le dérèglement climatique (le Japon est d'ailleurs le cinquième plus gros émetteur de CO2 au monde, tranquille). On fait plutôt un dessin animé dans lequel une bande de tanukis rigolards s'assoient sur leurs bourses pour empêcher la destruction de leur forêt. C'est ainsi, dans cet imaginaire, que la triste réalité frappe le japonais. Longue vie aux tanukis.

Je continue sur ma ma lancée : dans la famille Sauveurs de l'Humanité (si c'est bien utile), je voudrais le Paulownia !

Il vient lui aussi d'Asie, mais pour le coup, on le trouve également en Bretagne (peut-être la faute au dérèglement climatique, dont seuls les japonais sont responsables). Je précise qu'on le trouvait en tous cas avant le passage de Ciaran. Le Paulownia, c'est un arbre magique, et ce n'est pas qu'une légende. Il est si magique que je réfléchis à une reconversion. Il pousse vite, dix mètres en trois ans (c'est clairement plus qu'une couille de tanuki), et on peut utiliser son bois moins de dix ans après l'avoir planté, pour construire des maisons (après le passage de Ciaran) ou des planches pour aller surfer à La Torche un jour de tempête. Il peut pousser partout et si jamais vous êtes dans une région de pyromanes, sachez que c'est un bois particulièrement difficile à brûler. Et le meilleur pour la fin : le petit gars, qu'on appelle aussi "Kiri", comme le fromage, est capable d'absorber dix fois plus de CO2 (émit par le Japon) que n'importe quel arbre, tout en nettoyant les sols. Bref, nous sommes sauvés. Longue vie aux Palownias.

Allez, ça suffit avec les belles histoires, Ciaran arrive.