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Temps mieux.

La Bretagne des Légendes n'a jamais disparue. Les pierres humides, les brumes mystiques, les forêts conteuses, tout est bien là. Il fallait juste s'éloigner un peu.
Temps mieux.
Balade à Fougères, Octobre 2023.

La Bretagne des Légendes n'a jamais disparue.

Les pierres humides, les brumes mystiques, les forêts conteuses, tout est bien là. Il fallait juste s'éloigner un peu. Le "pack urbanisme" de huit chicanes, dix rond-points à quatre stops, trente-deux ralentisseurs avec signalisation clignotante et cinq panneaux d'affichage de vitesse ne fait pas encore partie des budgets de toutes les communes de la région. Je m'en réjouis, dodelinant sur cette chaussée déformée d'Ille-et-Vilaine. Un parcours de petites bosses qui oblige naturellement à faire attention, sans avoir besoin pour cela de croiser la statue de résine effrayante d'un enfant disproportionné (et en short, en Bretagne) qui fait semblant de traverser un passage piétons. Je réalise que beaucoup trop de villages bretons ont pris un coup de pelle, les défigurant en quelques années. Une laideur choisie dans une grisaille subie, qui, forcément, impacte le moral. Les routes d'asphalte parfaites, estampillées "Zone 30" tous les dix mètres, et les façades identiques, immaculé d'un blanc loin de Santorini, me rendent triste. J'ai perdu mon âme d'enfant quand elles ont perdu la leur. Car elle est essentielle la beauté urbaine, au moins à mes yeux. Je suis même persuadé que le taux de suicide est plus élevé chez les gens qui doivent traverser une zone commerciale chaque jour. Et que le risque de burn-out est plus important pour ceux qui roulent en centre-ville, la boule au ventre, devenus hors la loi depuis qu'il est impossible de traverser un bourg sans commettre d'infraction. Enfin bref, j'essaie d'être joyeux, les décorations de Noël sont en cours d'installation.

Mais, si j'avais plus de lecteurs, je lancerais une pétition pour retrouver les crépis et les couleurs des années 90.

Quand le rouge sur la chaussée provenait d'un verre de vin qu'on avait fait tomber devant le bar, en tournant la clé dans la porte de la R21. Quand le code de la vie était le code de la route, qu'on se respectait sans avoir besoin de panneaux "Rappel". Cette semaine, j'ai eu l'impression d'avoir retrouvé ces décors d'enfance, que je pensais pourtant disparus. La beauté de cette Bretagne de Légendes, de villages d'histoires. Des façades de pierres infatigables, des rues qui donnent envie de marcher, sous la pluie, même quand on pourrait prendre la voiture. Des cafés qui ne servent que de l'alcool, dans lesquels les poivrots ont oublié les heures. C'est là que je voulais revenir et c'est là où je voulais en venir avant de repenser à la chaussée bloquée par des légos rouge et blanc à l'entrée de Landéda. Écrire qu'il est doux de retrouver une chose que l'on avait enfouie, une importance dont on avait oublié l'existence. Des petits riens qui nous ont façonné sans que l'on s'en rende compte. Des éléments immobiles qui ont pris possession de nos vies et que l'on pensait pouvoir quitter sans conséquence. Il est bon de découvrir cette trouvaille que l'on n'a pas cherché, d'aimer cette retrouvaille qui ne nous a pas manqué. Je suis parti loin car le décor avait changé et parce que j'avais besoin de changer de décor. Je comprends que je ne cherchais rien de nouveau, j'espérais simplement revoir ce que j'avais vu disparaître. Il m'a suffit de faire marche arrière, mais en empruntant un autre itinéraire. Et de m'arrêter à l'instant et à l'endroit où le temps, lui aussi, a posé ses valises.